UE2.11 S3 – Pharmacologie et thérapeutiques
Les antalgiques
5/01/2012
1. Physiopathologie
Définition
- Expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une liaison tissulaire existante ou potentielle ou décrite en termes d’une telle lésion.
Mécanismes
- Mécanismes périphériques : récepteurs ou nocicepteurs activés par des stimuli mécaniques (pression), thermiques (chaleur, froid) ou chimiques à messages véhiculés par des fibres.
- Mécanismes médullaires : les fibres atteignent le système nerveux central, les messages nociceptifs sont transmis vers les centres supérieurs.
- Système de contrôle :
o Inhibition de la transmission des influx nociceptifs au niveau d’afférences cutanées (fibres).
o Voies inhibitrices qui libèrent des endorphines.
Classification des douleurs
- Classification temporelle :
o Douleur aiguë : récente, transitoire, alerte (post-opératoire, traumatologique).
o Douleur chronique : plus de 3 à 6 mois.
- Classification selon le mécanisme physiopathologique :
o Douleur par excès de nociception : stimulation excessive des récepteurs périphériques, due à des lésions tissulaires (traumatisme, brûlure), inflammation.
o Douleur neuropathique ou par désafférentation : interruption des voies de la nociception due à des lésions du système nerveux périphériques, lésions du SNC (AVC).
2. Antalgiques ou analgésiques
Définitions
- Antalgiques : calment ou suppriment la douleur due à une pathologie.
- Analgésiques : suppriment la sensibilité à la douleur.
Classification des antalgiques (échelle thérapeutique préconisée par l’OMS : douleur aiguë)
- Palier 1 : douleurs faibles à modérées. Antalgiques non opioïdes : Aspirine, Paracétamol, AINS, Néfopam.
- Palier 2 : douleurs modérées à sévères. Antalgiques opioïdes faibles : Codéine, Tramadol.
- Palier 3 : douleurs sévères. Antalgiques morphiniques forts : Morphine, Oxycodone, Fentanyl, Hydromorphone, Buprénorphine.
Co-antalgiques
- Utilisés dans d’autres indications que la douleur.
- Traitement adjuvant ou douleurs particulières : douleurs neuropathiques.
- Antidépresseurs : Amitryptiline, Clomipramine, Duloxetine, Imipramine.
- Antiépileptiques : Carbamazépine, Gabapentine, Prégabaline, Clonazépam.
Mécanisme d’action
- Antalgiques centraux ou périphériques.
5 principes à retenir
- La voie orale est à privilégier.
- Administration à horaires fixes.
- Choix parmi trois paliers d’intervention.
- Individualisation du traitement.
- Prise en compte des particularités du patient.
3. Palier 1 : antalgiques périphériques ou non opioïdes
Mode d’action
- Antalgique, antipyrétique, anti-inflammatoire.
- Antalgique, antipyrétique.
- Antalgique pur.
Mécanisme d’action
- Action périphérique au niveau des lésions tissulaires.
- Inhibition des cyclo-oxygénases et donc de la synthèse des prostaglandines à diminution de la sensibilisation des fibres A et C aux médiateurs algogènes.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens
- Antalgiques, antipyrétiques, anti-inflammatoires.
o Acide acétylsalicylique : aspirine et salicylés (Aspegic*).
- Absorption variable selon la forme utilisée : 2 à 4 heures par voie orale, 20 minutes pour la forme effervescente.
- Posologie :
o Adulte : 500 mg à 1g une à 3 fois par jour (voie orale), 500mg à 1g une à 4 fois par jour en intraveineuse.
o Enfant : 25 à 50 mg/kg/j en 3 à 4 prises.
- Principaux effets indésirables : troubles digestifs, lésions digestives locales, réactions allergiques, troubles de l’hémostase.
- Interactions médicamenteuses : potentialisation de l’effet anticoagulant des AVK, de l’effet hypoglycémiant des sulfamides antidiabétiques, de la toxicité du méthotrexate et du cisplatine.
Autres AINS
- Action antalgique, antipyrétique et anti-inflammatoire après quelques jours de traitement à doses suffisantes.
- Dérivés de l’acide propionique : Fénoprofène, Ibuprofène, Kétoprofène, Acide méfénamique.
o Mineurs : dyspepsies, nausées, vomissements, anorexie, diarrhée, constipation, épigastralgies.
o Sévères : hémorragie digestive, ulcère.
o Risque accru chez la personne âgée.
o Accidents rénaux, complications obstétricales et néonatales, accidents cutanés, troubles sensoriels et psychiques.
o Ulcère gastrique ou duodénal évolutif.
o Syndrome hémorragique.
o Insuffisance hépatique ou rénale évoluée.
o Asthme aigu, antécédents allergiques, grossesse.
- Principales interactions :
o Anticoagulants : majoration du risque hémorragique.
o Méthotrexate : augmentation de la toxicité rénale.
o Lithium : risque de surdosage en lithium.
o Antihypertenseurs et diurétiques : effet antihypertenseur pouvant être réduit.
o AINS entre eux : non justifié.
- Prévention des effets secondaires :
o Prévention des lésions gastroduodénales induites par les AINS (patient de plus de 65 ans) à Cytotec* (Miprostol), Mopral* (Oméprazole).
o Attention aux associations dangereuses : antiagrégants, anticoagulants, corticoïdes.
o Douleurs d’intensité modérée avec ou sans composante inflammatoire.
o Attention chez l’enfant et pendant la grossesse.
Paracétamol
- Antalgique, antipyrétique.
- Voie orale : demi-vie de 1 à 2 heures, durée d’action de 4 à 6 heures. Dose maximale autorisée : 3 grammes. Spécialités dosées à 1 gramme.
o Adulte : posologie maximale de 4g/j.
o Enfant : 60 mg/kg/j.
- Voie injectable : propacétamol (prodrogue et paracétamol)
o Perfalgan* 500mg et 1g.
- Tolérance : excellente (antalgique de choix chez le jeune enfant et la femme enceinte), érythème, urticaire, thrombopénie, possibilité de nécrose hépatique (> 10g).
- En cas d’intoxication par le paracétamol : Nacétyl-cystéine (Fluimicil*).
o Claradol* : comprimé effervescent 500mg.
o Dafalgan* : gélule 500mg.
o Doliprane* : sachet (50mg, 125, 250, 500), comprimé (500mg, 1g), comprimé effervescent (500mg, 1g), suppositoire (100mg, 150, 200, 300, 1g), suspension buvable.
o Efferalgan* : comprimé, comprimé effervescent (500mg, 1g), sachet (80mg, 150, 250), suspension buvable.
o Paralyoc* : lyophilysat 50mg, 125, 250, 500.
Floctafénine
- Antalgique pur.
- Idarac* : comprimé 200mg.
- Possibilité de réactions allergiques à choc.
- Contre-indication : association avec les bêtabloquants, insuffisance cardiaque, angor.
4. Palier 2 : antalgiques opioïdes
Mécanisme d’action
- Action centrale : fixation sur les récepteurs opioïdes, diminution de la transmission du message nociceptif par inhibition de la libération de substance P, augmentation du contrôle inhibiteur sur les neurones nociceptifs.
- Récepteurs mu (analgésie, dépression respiratoire, euphorie, dépendance physique), kappa (analgésie, sédation, myosis), delta (analgésie, centres respiratoires, motilité gastro-intestinale).
Agonistes
- Activation du récepteur mu, réponse dose-dépendante.
- Agonistes purs de faible activité : dextropropoxyphène, codéine, tramadol.
- Agonistes purs de forte activité : morphine, péthidine, dextromoramide, oxycodone.
Agonistes – antagonistes de forte activité
- Pentazocine, Nalbuphine, Buprénorphine.
- Effet plafond, affinité plus forte que la morphine pour ces récepteurs, déplacent cet agoniste et diminuent son action.
- Utilisés à un moment où le patient est encore sous influence morphinique, ils en antagonisent les effets puis développent leurs effets propres.
Antagonistes
- Naloxone, Naltrexone.
- Ils permettent de lever l’action des agonistes.
Extrait d’opium : Lamaline*
- Indication : douleurs pelviennes et abdominales.
- Gélule 10mg de poudre d’opium (= 1mg de morphine). Maximum 10 gélules par jour.
- Suppositoire : 15mg de poudre d’opium (= 3mg de morphine). Maximum 6 par jour.
Codéine
- OMS : dose minimale 30mg par 4 heures (180 mg/j).
- Codenfan* : sirop (AMM : enfant de plus de 1 an).
- Association avec le paracétamol (doses optimales 30mg de codéine et 500mg de paracétamol) : un comprimé à renouveler au bout de 6 heures, 2 comprimés si douleur intense, sans dépasser 6 comprimés par jour.
o Dafalgan codéiné*
o Codoliprane* (400/20)
- Puissance d’activité 1/6 de celle de la morphine : 60mg de codéine = 10mg de morphine, durée d’action 4 à 6 heures.
- Dose maximum par prise : 60 mg (360mg par 24 heures).
- Effets secondaires : somnolence, nausée, constipation.
Dihydrocodéine
- Dicodin* LP 60mg.
- 1 à 2 prises par jour.
- 60mg de dihydrocodéine = 10mg de morphine.
Tramadol
- Topalgic*, Zamudol*, Contramal*
- Gélules à 50mg, LP100, 150, 200mg, Intraveineuse 100mg/2ml.
- Alternative à la codéine.
- Effets indésirables : hypotension, céphalées, nausées, choc anaphylactique, convulsions.
- Posologie maximale : 400 mg par 24 heures voie orale.
- Risque de syndrome sérotoninergique en association aux IRS.
- Existe en association au paracétamol : Ixprim* 325/37,5mg.
Néfopam
- Acupan* ampoules 20mg/2ml.
- IM ou IV : 20 à 40mg toutes les 4 heures.
- Administration per os sur un sucre : hors AMM.
- Non morphinique d’action centrale.
- Puissance d’action faible par rapport à la morphine : 20mg = 0,5mg de morphine.
- Effets secondaires et contre-indications : nausées, vomissements, sueurs, vertiges, sécheresse buccale, antécédents convulsifs.
5. Palier 3 : antalgiques opiacés forts
Agonistes
o Règles de prescription : stupéfiants.
o Formes à libération immédiate de morphine :
§ Sevredol* comprimé, Actiskénan* gélule.
§ Doses réparties en 6 prises par jour.
§ Douleurs aiguës en interdose.
o Formes à libération prolongée de morphine :
§ Moscontin* LP (comprimé), Skénan* LP (gélule 10mg, 30, 60, 100 et 200) : deux prises par jour.
§ Képanol* (gélule 20mg, 50, 100) : une prise par jour.
§ Intérêt des gélules : ouvertes.
o Formes injectables :
§ Ampoules 1mg/ml, 10mg/ml, 20mg/ml, etc.
o Oxycontin* LP, Oxynorm* LI
o Activité comparable à la morphine.
o Rotation des opioïdes.
o 10mg = 20mg de morphine.
o Sophidone* LP (4mg, 8, 16, 24).
o Rapport 7,5 : 4mg hydromorphone = 30mg morphine voie orale.
o Douleurs intenses d’origine cancéreuse.
o Durogésic* : dispositif transdermique 12µg/h, 25, 50, 75, 100.
o Stupéfiant.
o Transdermique.
o Plus puissant que la morphine.
o Douleur chroniques d’origine cancéreuse.
o Dispositif actif pendant 72 heures.
o Possibilité d’interdoses.
o Actiq* 200µg, 400, 600, 800, 1200, 1600.
§ Délai d’action : 5 minutes.
§ Comprimé avec applicateur buccal, dissolution en 15 minutes.
o Abstral* (comprimé sublingual), Effentora* (comprimé gingival).
o Instanyl*, PecFent* (spray pour inhalation).
§ Douleurs aiguës paroxystiques en cancérologie.
Agonistes partiels
o Nubain* 20mg/2ml.
o Liste 1.
o Action analgésique identique à la morphine.
o Temgésic*
o Plus puissant que la morphine.
o Voie sublinguale : 0,2mg.
o Voie injectable : 0,3mg.
Effets secondaires et prise en charge
o Traitement laxatif.
o Mesures hygiéno-diététiques.
o Début de traitement, cèdent au bout de 4 ou 5 jours.
o Les faibles doses sont plus émétisantes que les fortes doses.
o Antiémétiques : Primpéran*, Motilium*.
o En début de traitement, transitoire.
o Moins de 5% des patients.
o Signe d’un surdosage.
o Exceptionnel, n’apparait pas si traitement correctement conduit jusqu’à sédation de la douleur.
o Dépendance psychique exceptionnelle.
o Dépendance physique (syndrome de sevrage) : si arrêt brutal des doses, sinon réduction des doses de façon progressive.
o Pas d’accoutumance chez le patient douloureux.
o Rétention urinaire : morphine orale.
o Prurit et sueurs.
Indications
- Douleurs chroniques.
- Douleurs aiguës :
o Coliques néphrétiques ou hépatiques.
o Infarctus du myocarde.
o Embolie pulmonaire, œdème aigu du poumon.
o Douleurs post-opératoires.
Voies d’administration
- Orale.
- Sublinguale.
- Sous-cutanée discontinue.
- Intraveineuse ou sous-cutanée en continu à la seringue électrique.
- Administration centrale par un site implantable.
- Administration autocontrôlée : PCA.
Équivalences
- 10mg de morphine injectable SC = 20mg de morphine orale.
Rotation des opioïdes
- Consiste à changer d’opioïde ou de voie d’administration.
- Lorsque la douleur n’est pas contrôlée (inefficacité).
- Effets indésirables non contrôlés (intolérance).