UE2.11 S5 – Pharmacologie et thérapeutiques
Spécificités des soins aux personnes âgées douloureuses
19/09/2012
Introduction
Champ : personne âgée fragile, polypathologique, polydépendante ou à risque de dépendance.
Des acquis : la sensibilisation des professionnels.
- Diagnostic.
- Évaluation.
- L’amélioration des connaissances thérapeutiques.
Progrès à faire :
- Passer de la sensibilisation à une démarche de soins de qualité
- Réactivité, pluridisciplinarité, rigueur, inventivité, etc.
Démarche de soins
Quel contexte ?
- Douleur aiguë ?
- Douleur liée aux soins ?
- Douleur chronique ?
- Douleur et inconfort de fin de vie ?
Quelle demande ?
- Patient ? pas toujours demandeur
- Famille ?
- Professionnels ?
Quels objectifs ?
- Réalistes
- Négociés (avec le patient, la famille, etc.)
- Évaluables
- Et réévalués !
Quels moyens mobilisables ?
- Quel lieu de soins ?
- Participation active du patient ? possibilité d’éducation thérapeutique ? proches ?
- Moyens non-médicamenteux.
- Moyens médicamenteux.
Spécificités diagnostiques
Grandes prévalence de la douleur :
- Toutes les études montrent la très forte prévalence du symptôme chez le sujet âgé.
- Impact variable sur la qualité de vie et sur la demande de soin : après 75 ans, sujets 4 fois plus exposés à un problème algique significatif que les adultes jeunes.
- En institution gériatrique : prévalence évaluée entre 45 et 70%, avec augmentation en fin de vie.
Fréquence de l’absence de plainte :
- En raison de troubles de la communication.
- État dépressif.
- Obstacles culturels.
- De la crainte des traitements, des investigations, d’un diagnostic péjoratif.
L’absence de plainte ne peut permettre d’écarter le diagnostic.
Autres particularités séméiologiques :
- Symptomatologie atypique : de pathologie médicale ou chirurgicale classiquement douloureuse, localisation imprécise.
- Fréquence accrue de certaines douleurs chroniques : en particulier à caractère neurogène.
- Signification des plaintes douloureuses : fréquence des équivalents dépressifs (solitude, crainte de la maladie grave, mort), tendant de justifier un confinement au domicile, au lit, la dépendance vis-à-vis d’un tiers.
- Retentissement fonctionnel et psychologique : pouvant être rapide et grave.
Rapidité et gravité d’un syndrome douloureux mal soulagé :
- Retentissement fonctionnel et psychologique, d’autant plus rapide et grave que terrain sous-jacent avec des complications intriquées.
o Anorexie et dénutrition.
o Perte d’autonomie.
o Dépression, troubles du sommeil.
o États régressifs.
o Agitation anxieuse, épisode confusionnel.
Rapidité et gravité d’un syndrome douloureux non pris en charge :
- Traiter simultanément si possible :
o La cause de la douleur, ses facteurs favorisants.
o La douleur.
o Ses conséquences immédiates.
o Les pathologies en cascade (prévention).
- Approche individualisée et pluriprofessionnelle toujours nécessaire.
Grandes localisations douloureuses :
- Douleurs neurosquelettiques.
- Douleurs neuropathiques.
- Douleurs chroniques des cancers.
- Ischémies tissulaires, immobilisations prolongée, escarres, rétractions tendineuses.
- Douleurs liées aux soins.
Spécificités de l’évaluation
Pourquoi évaluer chez le SA ?
- Car la douleur est un symptôme fréquent.
- Un symptôme complexe.
- Car beaucoup de patients ne se plaignent pas.
- Pour aider le soignant à soigner.
- Pour aider le patient à être soigné et à se soigner.
- Car pas de progression si on n’améliore pas cet item.
- Obligation des établissements de santé, critère d’accréditation.
Examen clinique :
- L’entretien avec le patient et son entourage : première étape parfois totalement irréalisable, mais tou-jours la tenter --> horaire, composante neuropathique.
- L’observation :
o Paramètres physiologiques : FC, FR, sudation, tonus.
o Comportement dans les diverses situations, spontanées ou provoquées.
- L’examen clinique est parfois difficile (opposition, agressivité), mais toujours nécessaire (exemple : confusion, qui peut traduire beaucoup de choses).
Évaluer la douleur :
- Expliquer la démarche, fréquemment réponse binaire, temps et patience.
- Autoévaluation : en théorie la meilleure, « le patient a toujours raison ».
o Échelle multidimensionnelle : QDSA abrégé.
o Échelles unidimensionnelles :
EVA (souvent impossible, intérêt de Pédiadol mais non validé en gériatrie),
EVS, EN : souvent utilisées, très maniables, moins abstraites que EVA mais moins sensibles (1/3 des possibilités sont utilisés), EVS est la préférée des séniors.
Échelle des visages.
- Autoévaluation et pratique gériatrique :
o Selon les situations et l’état des fonctions cognitives : 5 à 70% des PA pourraient s’autoévaluer.
o Consensus : autoévaluation si MMS > 18. Vérifier la fiabilité : capable de restituer les 2 posi-tions extrêmes.
o Pas de solution standard : on teste souvent plusieurs échelles avant d’en choisir une pour le suivi ultérieur.
- Hétéro-évaluation :
o Envahissement du langage par la plainte, mimique (majoration des rides frontales), ECS (échelle comportementale simplifiée)
o Échelles validées chez le sujet âgé dyscommuniquant : ECPA, DOLOPLUS, ALGOPLUS, PACSLAC
- Évaluation du retentissement douloureux :
o En gériatrie, on utilise préférentiellement les échelles validées sur cette population.
Les activités de la vie quotidienne ADL.
Les activités instrumentales : IADL.
Le vécu dépressif : GDS.
La grille AGGIR (approche pragmatique et fonctionnelle).
o Des incontournables : sommeil, humeur, appétit, maintien des activités physiques et sociales.
La douleur chez le patient dément :
- Douleur aiguë : agressivité, agitation.
- Douleur chronique : repli sur soi, refus de relations sociales, troubles alimentaires.
- Y penser devant :
o Des signes physiques évocateurs.
o L’apparition de mouvements répétitifs.
o Une vocalisation répétitive.
o Tout changement de comportement.
- Meilleurs résultats quand les soignants connaissent bien les patients.
Évaluer en pluridisciplinarité.
Spécificités des thérapeutiques
Principes thérapeutiques en gériatrie :
- Outre l’approche globale, dans le domaine gériatrique, on sera particulièrement attentif
o Aux modifications métaboliques (fonction rénale +++, ou hépatique).
o Aux risques liés à la polymédication.
o À la polypathologie (dénutrition protéique).
- Dosage progressif selon le principe « start low and go slow » en continuant d’évaluer.
- Recherche systématique des alternatives aux traitements médicamenteux généraux.
- Toutes les techniques ou médicaments sont théoriquement utilisables.
- Certains d’usage plus délicat, voire dangereux.
- D’une manière générale, les médicaments à ½ vie courte sont préférés, avec une titration initiale prudente, et une antagonisation aisée pour les morphiniques.
Antalgiques non opiacés (palier 1)
- Paracétamol :
o Le mieux toléré.
o Nombreuses formes : IV, gélule, cp, cp eff, lyoc, suppo.
o Max 4g/jr même chez la PA.
- Aspirine et ibuprofène :
o Attention : gastro et néphrotoxicité.
o Antiagrégant plaquettaire.
- Néfopam (Acupan)
o Parentéral, anticholinergique (peut entrainer une confusion).
o ES non négligeables.
Opioïdes faibles (2)
- Comme avec tous les opioïdes, risques de somnolence, de confusion, de constipation, de nausées, de rétention urinaire, majoré chez le SA.
- Effet plafond.
- Tramadol (Zamudol*, Contramal*, Topalgic*) :
o Associé avec paracétamol (Ixprim*, Zaldiar*).
o Orodisp, LI, LP, IV, SC.
o Ne pas dépasser 50mg LI/prise, max 300mg/j.
o Effet pro-convulsivant dès la première prise, risque confusiogène, de vertiges.
- Codéine et dihydrocodéine (Dafalgan codéine*) :
o Forme orale seulement.
o Ne pas dépasser 6 gélules par jour.
- Opium (Lamaline*) :
o Suppo, gélule.
o Usage limité.
Opioïdes forts (3)
- Morphine orale, antalgique de référence dans les douleurs sévères, même bénignes. Tous les opioïdes sont utilisables avec précautions.
- Facteurs aggravant les effets secondaires : polypathologie, interactions médicamenteuses, variances pharmacocinétiques.
- La PA a tendance à être plus sensible aux antalgiques opioïdes :
o Action plus rapide, plus intensive et plus prolongée.
o Les effets secondaires sont plus graves et plus rapides à s’installer.
o Les effets secondaires cognitifs sont également plus marqués.
o Altération du métabolisme de la drogue changement de produit (rotation) ou de voie, souvent utile.
- Selon la fonction rénale, administration toutes les 6 heures sont souvent possibles et indiquées.
- Patch de Fentanyl : jamais en première intention !
- Intérêt de la rotation ou du changement de voie en cas de mauvaise tolérance.
L’antalgie médicamenteuse en pratique gériatrique :
- Agonistes purs :
o Morphine : Skénan, Moscontin, Actiskénan, Sévrédol, morphine inj.
o Hydromorphone : Sophidone*.
o Fentanyl : Durogésic* (patch), Abstral* (cp sublingual).
o Oxycodone : Oxycontin*, Oxynorm*.
- Agonistes – antagonistes : effet plafond ; pas d’association avec les morphiniques.
o Buprénorphine : Temgésic* (cp sublingual, inj SC).
o Nalbuphine : Nubain* (inj).
- Co-antalgiques ou adjuvants :
o Antidépresseurs, anticonvulsivants, myorelaxants, AINS et corticoïdes, anxiolytiques.
o Toujours y penser, mais pas toujours bien supportés.
o Antidépresseurs et anticonvulsivants : indispensables si douleurs neuropathiques.
o Posologies efficaces souvent nettement inférieurs à adulte jeune.
- Intérêt des traitements locaux : infiltrations, topiques.
- Anticancéreux : radiothérapie, chimiothérapie.
Points à souligner :
- Voie d’administration.
- Automédication.
- Prescription compliquée.
- Prémédication des soins douloureux.
Les techniques non-médicamenteuses et soins de confort :
- Relation d’aide, toucher-massage, kiné, physiothérapie.
- Les soins de confort :
o Surtout en fin de vie, l’inconfort est souvent confondu avec la douleur.
o La lutte contre toutes les sources d’inconfort a sa part entière dans notre travail, ne jamais négliger : soins cutanées, soins de bouche, lutte contre les troubles digestifs, etc.
- Nursing : fondamental, dignité, confort, prévention, relation privilégiée, connaissance du patient.
- Intérêt de l’approche en binôme : soins facilités, moins traumatisants, plus de disponibilité à la communication non-verbale, enrichissement mutuel des soignants.