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05 La schizophrénie (UE2.06 S5 - Processus psychopathologiques)

 UE2.6 S5 – Processus psychopathologiques

La schizophrénie

11 et 19/09/2012

 



 

DEFINITION
 

Groupe de maladies mentales chroniques caractérisées par l’association, dans des formes et des proportions variables, de trois grands ordres de troubles :
- Discordance (ou dissociation).
- Délire paranoïde.
- Autisme.

 

EPIDEMIOLOGIE
 

Existe dans tous les pays du monde, touche 1% de la population. La plus fréquente des psychoses chro-niques.
Sujet jeune, soit à la fin de l’adolescence, soit dans les débuts de l’âge adulte. Sujet prédisposé : organisation prépsychotique de la personnalité, facteurs génétiques, associations de facteurs biologiques, psychologiques et environnementaux.

 

PERIODE D’ETAT

Discordance (ou dissociation schizophrénique)
 
Scission qui s’opère dans la conscience et la personnalité du sujet, faisant perdre toute cohésion à l’unité du Moi et au monde qu’il perçoit, ce traduit à tous les niveaux (affectif, intellectuel, comportemental).
 
Caractéristiques :
- Ambivalence : la contradiction infiltre tous les sentiments et actes du sujet.
- Bizarrerie : résulte des conduites et expressions fantasques et illogiques.
- Impénétrabilité : propos et conduites, incohérents, incompréhensibles.
- Détachement : lié au repli sur soi et à l’indifférence apparente.
 
Profondément altéré : déficit de l’attention et des facultés de concentration associé à des troubles du cours de la pensée. Le flux idéique s’interrompt fréquemment (barrage), les idées se succèdent sans lien logique, sa pensée apparait incohérente, floue, abstraite, sans lien avec le réel. Le sujet construit des théories qui vont paraitre absurdes, abstraites = rationalisme morbide. Tout le mode d’expression verbale est marqué par cette discordance : maniérisme, soliloque, mutisme, logorrhée, sens des mots perturbé, néologisme, symbolisme très hermétique. Expression écrite et artistique également marquée.
 
Ambivalence au premier plan (« en petits morceaux »), affects violents et paradoxaux, in-tenses ou violemment hostiles, relation fusionnelle avec la mère au centre de ses troubles affectifs, fantasme mortifère de persécution. Toutes les relations à autrui sont sous le signe de l’ambivalence. Aux états violents succède l’indifférence par laquelle il se protège. Pulsions archaïques orales (gloutonnerie, tabagisme, suço-tements), anales (incurie), sexuelles (auto-érotisme, exhibition, agression).
 
Désinvestissement du réel, détachement du sujet marqué par l’apragmatisme (absence d’initiative, peu d’activité, d’investissement), tant au niveau de la volonté que dans l’activité psy-chomotrice. Attitudes figées, raides. Inadaptation des expressions à la logique d’une situation. Repli défensif sur soi-même, se traduisant par du négativisme, repli hostile, ironie défensive, refus de tendre la main. Sté-réotypies : autre forme de négativisme, façon de ne pas faire quelque chose de constructif. Passage à l’acte impulsif et immotivé, pouvant être dramatique (suicide, automutilation, agression, meurtre).

 
Délire
 
Thématique du vécu délirant :
Sentiment de transformation de la vie psychique, la pensée du sujet se disperse (perte de contrôle), elle se vide, se met à fonctionner de façon automatique ; vécu de modification corporelle, impression de métamorphose corporelle avec idée hypochondriaque délirante, prenant des formes diverse très classique dans la schizophrénie, la dysmorphophobie (phobie d’avoir une morphologie anormale). Cette dépersonnalisation physique et psychique participe au vécu de morcèlement, le sujet perd son unité, il se disloque sur les deux plans (corps et pensée).
 
Touche le monde extérieur qui perd sa familiarité, les limites entre le sujet et le monde extérieur tendent à s’estomper, tout cela créé une angoisse extrême du sujet (survenue imminente d’une catastrophe).
 
Venant compléter le tableau : les phénomènes de dépersonnalisation et d’étrangeté sont dus à des interventions extérieures. On vole sa pensée, on la guide, on agit sur lui, on agit sur son corps à distance. Hallucinations : psychiques (il voit et entend des choses dans sa tête), psychosensorielles, kines-thésiques, cénesthésiques ; influence télépathique, par des ondes, des processus mystérieux.
Les dysmorphophobie de l’adolescence ne sont pas pathologiques.
 
Mécanismes délirants : hallucinations, intuitions, imagination, illusions, interprétations.
Thèmes : identité (possession, filiation), persécution, protection, mégalomanie (omniscience, omnipotence, idéalisme, richesse), atteinte corporelle (hypochondriaque, empoisonnement), religieux et surnaturel (pos-session, réincarnation).
Floue, non systématisé, dépourvu de toute logique et de toute cohérence. Le délire prend le caractère de dis-cordance, de la dissociation. Le délire va dans tous les sens, par tous les mécanismes et sur tous les thèmes. Cette production délirante sert à se libérer, à se protéger dans la création d’une nouvelle réalité (hermétique pour autrui et hermétique à toute communication).

 
L’autisme
 
Le schizophrène s’évade d’une réalité qui a perdu toute authenticité, et son moi morcelé se disperse dans un monde imaginaire, lui-même morcelé et clos sur lui-même.
Il est enfermé dans un monde qui est à lui, un monde délirant et totalement hermétique, coupé du monde extérieur.
La dimension autistique fait partie de la schizophrénie.

 

MODE D’ENTREE

Pendant plusieurs mois, voire plusieurs année, le sujet (jeune) s’enferme de plus en plus sur lui-même, il se met à délirer progressivement, les troubles intellectuels, affectifs, comportementaux se mettent en place petit à petit.
 
Délire : perte de repères identitaires, impression de dépersonnalisation, de morcellement, vécu d’étrangeté, idées d’influence, de persécution, survenue d’hallucinations, etc.
 
Troubles intellectuels : attention et facultés de concentration, appauvrissement des intérêts du sujet, fléchis-sement scolaire ou de l’adaptation professionnelle.
Troubles affectifs : indifférence, détachement, ambivalence conduisant à des manifestations brusques et pa-radoxales.
Troubles comportementaux : apragmatisme, incurie, bizarrerie, comportements énigmatiques et paradoxaux, activités sexuelles perturbées, actes auto ou hétéro-agressifs possibles.
 
Bouffée délirante polymorphe.
Parfois état maniaque, état mélancolique, acte médico-légal pathologique.

 

FORMES CLINIQUES

S’installe progressivement à partir de traits de caractère schizoïdes : personnalité qui est renfermée sur elle-même, difficultés de communication, apragmatismes, fonctionnement bizarre. Pas de discordance, pas d’autisme, mais on se rapproche de tout ça, sans les atteindre. Arrive à mener sa vie dans les limites de la normale.
Petit à petit se mettent en place des symptômes de schizo : désinvestissement social, professionnel, troubles délirants, etc.
Mais forme de schizophrénie atténuée, pas très massive, pas très majorée, le sujet garde des capacités d’insertion.
 
Forme grave : évolution déficitaire et dissociation massive, entrainant un fléchissement scolaire, une désin-sertion sociale, grand isolement, bizarrerie comportementale.
Enfermement dans son monde, son apragmatisme.
 
Discordance comportementale, et discordance psychomotrice au premier plan : inertie, stupeur, apragma-tisme, maniérisme, négativisme, stéréotypie.
Sur un fond d’apragmatisme : aboulie (envie de rien, amorphe), puis grande décharges impulsives par mo-ment.
Exceptionnel : accès de catalepsie, le sujet est tellement enfermé dans son monde qu’il est complètement figé, stuporeux, ne bouge plus, pas de communication. Si on le mobilise passivement, il garde la position pendant très longtemps (rigidité plastique). Mise en place de sécurité pour le patient.
 
Forme la plus complète et la plus classique : éléments de discordance, éléments délirants, autisme.
 
Forme grave, mélange de troubles d’allure psychopathique et perverse, et de troubles schizophrénies.
Chez les psychopathes, possibilité d’avoir des moments délirants (à cause de toxiques, d’alcool, etc.), mais cela ne veut pas dire qu’ils deviennent schizophrène.
Mis en place sur un fond de fonctionnement de psychopathie d’éléments schizophréniques.
 
Schizophrénie pseudonévrotique : troubles d’allure névrotiques, infiltrés par un processus dissociatif avec une note autistique, puis phases délirantes possibles.
Moins grave, moments schizophréniques clairs, rapport à la réalité et capacités d’adaptation mieux conser-vés.
Schizophrénie dysthymique : à la frontière entre schizophrénie et troubles maniaco-dépressifs, caractérisé par l’existence de troubles bipolaires (périodes maniaques et mélancoliques), avec des éléments de discor-dance et de délire paranoïdes. Forme atténuée sur le plan de la schizophrénie.
Forme frontière avec délires systématisés : de type paranoïaque.

 

EVOLUTION ET PRONOSTIC

Formes classiques : pronostic de chronicité et de gravité de rigueur. Avenir compliqué pour la personne, souffrance, maladie et soins. Premières années d’évolution : installation des symptômes, aggravation pro-gressive, puis désadaptation sociale, hospitalisations répétées.
 
Trois grands types de schémas évolutifs :
Suicide : fréquent.
L‘évolution dépend de la prise en charge (chimique et psychosociale) et de la qualité des soins, mais aussi de facteurs internes sur lesquels il est plus difficile d’agir. Rôle important de l’entourage familial, de la qua-lité des liens sociaux.

 

ETIOPATHOLOGIE

Facteurs génétiques : preuves génétiques évidentes, existence d’anomalies génétiques pouvant être incrimi-nées dans la schizophrénie (mais certains sujets porteurs de cette anomalie ne sont pas schizophrènes). Dis-cutable.
Causes somatiques : influences organiques diverses pouvant fragiliser quelqu’un.
 
Point de vue psychanalytique : faillite dans le processus de développement psychoaffectif.
Point de vue systémique : théorie de la communication, on peut rendre schizophrène un enfant, il suffit de le bombarder de message sans queue ni tête, etc.

 

PRISE EN CHARGE

Neuroleptiques (antipsychotiques) : base du traitement. Ne guérissent pas le patient de la schizophrénie, mais apaisent le sujet, diminuent les symptômes, permettent de revivre dans un mode de fonctionnement plus proche de la normale.
Effets sédatifs (Tercian, Nozinan), antidélirants (Risperdal, Haldol), désinhibiteurs (Dogmatil, Solian, Abili-fy). Plus ou moins marqués selon les produits.
Effets indésirables psychiques et physiques rendant la prise parfois difficile.
 
Tranquillisants, hypnotiques, antidépresseurs, thymorégulateurs.
 
Psychothérapie (individuelle ou collective) plus ou moins d’inspiration analytique, systémique, cognitivo-comportementale, etc.
Adaptée au patient pour entrer dans une relation d‘aide, comprendre le patient, sa maladie, mieux se situer.
 
Lutter contre la désagrégation de la vie psychique pour l’aider à reconstruire une vie sociale.
Hospitalisation, hôpital de jour, activités, CATTP, post-cure, travail d’autonomisation psychique (plusieurs mois, jusqu’à 2 ans), soutien sur le plan scolaire ou professionnel.
Protection : sauvegarde de justice, curatelle, tutelle.