UE2.6 S5 – Processus psychopathologiques
Les troubles du comportement alimentaire
La boulimie
25/09/2012
Étymologiquement = « faim de boeuf ».
Consommation exagérée d’aliments, avec perte de contrôle des prises alimentaires, sans rapport avec la sensation de faim.
GENERALITES
Épidémiologie
- Sex-ratio : 1 homme pour 7 à 10 femmes.
- Âge moyen d’apparition : 19 ans.
- Prévalence : 1% de la population féminine occidentale, 7% des adolescentes.
- Mode d’entrée dans les TCA : ½ boulimie, 1/3 anorexie
- Évolution : ½ des anorexiques ont des périodes de boulimie.
HYPOTHESES ETIOLOGIQUES
Le lien avec les addictions : critères de Goodman
- Impossibilité de résister aux impulsions à réaliser le comportement.
- Sensation croissante de tension précédant immédiatement le début du comportement.
- Plaisir ou soulagement pendant sa durée.
- Sensation de perte de contrôle pendant le comportement.
- Agitation ou irritabilité en cas d’impossibilité de s’adonner au comportement.
- Présence d’au moins 5 des 9 critères suivant :
o Préoccupation fréquente au sujet du comportement ou de sa préparation.
o Intensité et durée des épisodes plus importantes que souhaitées à l’origine.
o Tentatives répétées pour réduire, contrôler ou abandonner le comportement.
o Temps important consacré à préparer les épisodes, à les entreprendre ou à s’en remettre.
o Survenue fréquente des épisodes lorsque le sujet doit accomplir des obligations profession-nelles, scolaires, ou universitaires, familiales ou sociales.
o Activités sacrifiées du fait du comportement.
o Perpétuation du comportement, bien que le sujet sache qu’il cause ou aggrave un problème persistant ou récurrent d’ordre social, financier, psychologique ou psychique.
o Tolérance marquée.
- Agitation ou irritabilité en cas d’impossibilité de s’adonner au comportement.
Le contexte familial
- Fréquence des antécédents familiaux psychiatriques.
- Fréquence des antécédents personnels d’abus.
Psychopathologie
- Court-circuit de la pensée : le conflit psychique et les émotions sont évités au profit de la recherche de sensations. On ne passe pas par la pensée ou quelque chose d’intériorisé, mais par un acte.
- Vulnérabilité narcissique : vide intérieur, alternance entre avidité et rejet.
DIAGNOSTIC
La question du poids
- Maigreur, poids normal (les crises compensent les restrictions) : restriction alimentaire / vomisse-ments / purgatifs.
- Surpoids, obésité : formes sans comportements compensatoires (dévalorisation, fragilité psycholo-gique, impulsivité, idées suicidaires). On parle d’hyperphagie boulimique (binge eating disorder) quand il n’y a pas de stratégie de contrôle de poids.
Classification DSM4
Les critères :
- Épisodes récurrents d’hyperphagie incontrôlée :
o Des prises alimentaires, dans un temps court inférieur à 2 heures d’une quantité de nourriture largement supérieure à celle que la plupart des gens mangeraient dans le même temps et les mêmes circonstances.
o Une impression de ne pas avoir de contrôle des quantités ingérées ou de la possibilité de s’arrêter.
- Le sujet met en oeuvre des comportements compensatoires visant à éviter la prise de poids (vomis-sements provoqués, prises de laxatifs ou de diurétiques, jeûnes, exercice excessif).
- Les épisodes d’hyperphagie incontrôlée et les comportements compensatoires pour prévenir une prise de poids ont lieu en moyenne 2 fois par semaine durant au moins 3 mois.
- Le jugement porté sur soi-même est indûment influencé par la forme et le poids du corps.
- Le trouble ne survient pas exclusivement au cours des épisodes d’anorexie.
Deux types de boulimie (DSM4) :
- Avec vomissements ou prise de purgatifs : pendant l’épisode actuel de boulimie, le sujet a eu réguliè-rement recours aux vomissements provoqués ou à l’emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavement.
- Sans vomissements ni prise de purgatifs : pendant l’épisode actuel de boulimie, le sujet a présenté d’autres comportements compensatoires inappropriés, tels que le jeûne ou l’exercice physique exces-sif, mais n’a pas eu régulièrement recours aux vomissements provoqués ou à l’emploi abusif de laxa-tifs, diurétiques, lavements.
CLINIQUE
Éléments cliniques
- Différents des frénésies alimentaires communes.
- Pathologique si association à :
o La perte de contrôle de soi.
o Au trouble de l’image corporelle.
o Des comportements compensatoires.
La perte de contrôle de soi :
- Raptus indépendant de toute sensation de faim. Souvent déclenché par une séparation, un ennui, une déception, … Devient de plus en plus la voie de décharge de toute tension. Souvent précédée d’obsessions alimentaires préalables avec ruminations et lutte autour de la nécessité de réaliser un tel acte en connaissance des connaissances négatives (compulsivité).
- Ingurgitation massive et rapide, sur un mode impulsif, en quelques minutes, d’une grande quantité de nourriture. Les aliments choisis, souvent riches sur le plan énergétique, sont engloutis de façon anar-chique. Ces aliments sont habituellement des produits que les sujets s’interdisent. Véritable altération de l’état de conscience pendant la crise avec déréalisation, rupture avec la réalité environnante et sen-timent de perte de contrôle.
- Finit souvent par une sensation de trop plein, des douleurs abdominales, ou lorsqu’il n’y a plus rien à manger. Rapidement suit un profond malaise physique (pesanteur, douleur abdominale, épuisement) et psychique (culpabilité, honte), annulé par des comportements compensatoires.
Les comportements compensatoires inappropriés :
- Vomissements provoqués sont les plus fréquents de par leur immédiateté et parfois constitue même le point réellement addictif de la boulimie.
- Laxatifs, diurétiques, exercice physique démesuré : constitue des manoeuvres compensatoires sur le plus long terme mais qui peuvent être aussi très invalidantes.
Dévalorisation de soi et troubles de l’image corporelle :
- Poids normal ou IMC < 18, on retrouve une dysmorphophobie et un surinvestissement de l’image corporelle pour pallier aux difficultés narcissiques.
- Conscience du caractère pathologique des crises même si il existe parfois une « lune de miel ».
- Comportement envahissants, culpabilité, dévalorisation, repli sur soi, renforcement des accès de par leur fonction de décharge de l’angoisse créant une véritable addiction.
ÉVOLUTION
- Souvent chaotique, avec des rechutes.
- Chronicisation dans 30% des cas.
- Retentissement social et affectif.
- Décompensation dépressive, TS, conduites toxicomaniaques.
COMPLICATIONS
Somatiques
- Vomissements chroniques : hypovolémie, hypokaliémie, oesophagite peptide, crampe.
- Abus de laxatifs : hypovolémie, hypokaliémie.
- Abus de diurétiques : hypovolémie.
- Conduites polydipsiques et potomanie : intoxication à l’eau, hyponatrémie.
Psychiatriques
- Autres conduites addictives
- Troubles de la conduite (scarifications).
- Troubles thymiques et risque suicidaire.
Prise en charge
- Pas de recommandations spécifiques mais globalement la même surveillance clinique et les mêmes préconisations que l’anorexie pour le suivi et concernant les critères d’hospitalisation à temps plein.
- Prise en charge bio-psycho-sociale et multidisciplinaire.